De la création accidentelle du premier ver informatique à la cofondation de Y Combinator, en passant par des contributions majeures à la cybersécurité et aux réseaux décentralisés, Robert Tappan Morris a marqué l’histoire de la technologie. Son parcours tumultueux, entre échecs et succès retentissants, illustre une capacité rare à rebondir.
De la recherche académique au tribunal : Le début de parcours tumultueux de Robert Tappan Morris
Robert Tappan Morris naît en 1965 dans un environnement imprégné de science et de technologie. Son père, Robert Morris Sr., est l’un des architectes d’Unix et de Multics chez Bell Labs, des systèmes d’exploitation qui ont établi de nouvelles normes dans l’industrie informatique. Cette proximité avec le monde de l’informatique éveille tôt son intérêt pour ce domaine, qu’il approfondit pendant son adolescence dans le New Jersey. Diplômé du Delbarton School en 1983, il intègre ensuite Harvard, où il obtient un Bachelor of Arts en 1987, avant de poursuivre un doctorat à Cornell.
En 1988, dans le cadre de son doctorat, Morris, alors étudiant à l’Université Cornell, cherche à cartographier l’étendue d’Internet, encore à ses balbutiements. Pour ce faire, il développe un ver informatique, un programme autonome conçu pour se propager à travers les réseaux en exploitant des vulnérabilités dans deux composants Unix populaires : sendmail, un service de messagerie électronique, et fingerd, un protocole permettant d’obtenir des informations sur les utilisateurs d’un système.
Cependant, une erreur de programmation transforme cette expérience en une catastrophe sans précédent. Au lieu de se propager de manière contrôlée, le ver se réplique de façon exponentielle, et infecte près de 6 000 machines, ce qui représente environ 10 % du réseau Internet de l’époque. Les dégâts économiques sont estimés à 10 millions de dollars.
Ainsi, avant même la soutenance de sa thèse, Morris devient une célébrité malgré lui. Son nom est désormais associé à la première cyberattaque massive. En 1989, il est inculpé par les autorités américaines en vertu du Computer Fraud and Abuse Act (CFAA), un outil juridique central dans la lutte contre la cybercriminalité aux États-Unis.
Ce procès, le premier du genre, marque un tournant : il alerte le monde sur les vulnérabilités d’Internet et pose les bases de la cybersécurité moderne.
De la condamnation à la rédemption
En 1990, Morris écope de trois ans de probation et 400 heures de service communautaire. Loin de le briser, cette épreuve catalyse sa transformation. Délaissant Cornell, il retourne à Harvard pour passer son doctorat sous la direction de H.T. Kung, un chercheur très respecté dans le domaine de l’informatique. En 1999, il soutient une thèse sur le contrôle de congestion TCP, une avancée clé pour stabiliser les flux de données sur Internet.
Parallèlement à ses études, Morris cofonde Viaweb en 1995 avec Paul Graham, un camarade de Harvard. Cette plateforme, qui permet de créer des boutiques en ligne sans compétences techniques, anticipe le Software as a Service (SaaS). En 1998, Yahoo! l’acquiert pour 49 millions de dollars, la rebaptisant Yahoo! Store. Ce succès consacre Morris comme un visionnaire capable de rebondir après un échec public.
Viaweb, qui inspirera la création de Shopify et de WordPress, illustre une règle d’or en entrepreneuriat : simplifier l’accès à la technologie. C’est cette philosophie qui pousse Robert Tappan Morris et Paul Graham à parier sur le commerce en ligne dès les années 1990, une décision audacieuse à une époque où les sites HTML statiques dominaient. Leur modèle économique novateur, fondé sur l’abonnement mensuel, jette les bases de l’économie du cloud et influencera par la suite durablement le paysage numérique.

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L’ascension académique au MIT
En 1999, Morris rejoint le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) comme professeur assistant. Ses recherches se concentrent sur les architectures réseau décentralisées, un domaine alors marginal. Il co-développe Chord en 2001, un protocole de stockage distribué qui influencera plus tard les blockchains comme Bitcoin.
En 2002, il lance Roofnet, un réseau en maillage open source utilisant des routeurs bon marché pour créer un Internet partagé. Bien que le projet ne décolle pas commercialement, il inspire des initiatives telles que Google Wi-Fi et les réseaux mesh urbains. Ces travaux renforcent la réputation de Morris en tant que pionnier de l’accès équitable à la technologie.
En 2006, le MIT accorde à Robert Tappan Morris la tenure, un statut universitaire qui garantit un poste permanent au sein de l’institution. Cette reconnaissance officielle récompense ses contributions académiques majeures.
Ses cours, qui mêle éthique et technique, attirent des étudiants comme Drew Houston, le futur fondateur de Dropbox. Morris leur inculque une leçon cruciale : l’innovation doit s’accompagner de responsabilité.
Y Combinator, le triomphe entrepreneurial de Robert Tappan Morris
En parallèle de sa carrière académique, Morris continue de faire ses preuves dans l’entrepreneuriat. En 2005, un an avant d’obtenir sa titularisation au MIT, il s’associe à Paul Graham, Trevor Blackwell et Jessica Livingston pour créer Y Combinator (YC).
Cette dernière transforme l’approche du capital-risque en instaurant un modèle d’investissement direct : un apport initial de 120 000 dollars en échange de 7 % du capital, accompagné d’un programme de mentorat structuré.
YC devient rapidement un incubateur de référence. Parmi ses réussites : Airbnb, Reddit, Stripe et Coinbase. En 2023, les start-ups issues de YC totalisent une valorisation collective de 600 milliards de dollars. Morris joue un rôle clé dans ce succès grâce à son expertise technique, qui lui permet d’identifier les projets les plus viables et prometteurs.
Pour Morris, YC représente une rédemption totale : l’ancien étudiant de Cornell condamné par la justice façonne désormais l’avenir de la tech.
L’héritage de Robert Tappan Morris
En 2019, Robert Tappan Morris est élu à la National Academy of Engineering, l’une des plus hautes distinctions pour un ingénieur. Ses pairs reconnaissent ainsi ses contributions majeures aux réseaux décentralisés et à la cybersécurité, des domaines qui ont redéfini les fondements de la technologie moderne.
En 2025, Morris tourne son attention vers les défis émergents de l’intelligence artificielle. Il s’engage activement en soutenant des start-ups qui développent des solutions d’IA transparentes et équitables, tout en participant à des initiatives visant à encadrer le développement responsable de cette technologie. Son approche combine innovation technique et réflexion éthique, une philosophie qu’il a toujours défendue.
En somme, Robert Tappan Morris incarne l’évolution de la tech, des débuts tumultueux d’Internet à l’ère des licornes technologiques. Son parcours, guidé par une curiosité insatiable et une volonté de repousser les limites, fait de lui une figure incontournable du paysage technologique américain.