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Goatse Security : Pirates ou lanceurs d’alerte ?

En 2010, un groupe de hackers nommé Goatse Security fait trembler plusieurs géants de la tech en révélant publiquement des vulnérabilités dans leurs systèmes. Ces pirates étaient-ils des criminels ou des vigiles du numérique ?

Goatse security
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Les premiers coups d’éclat de Goatse Security

Goatse Security, un collectif de hackers issu d’une communauté réputée pour ses canulars en ligne, est créé en 2009 avec un objectif précis : débusquer les failles de sécurité des géants de la tech.

En 2010, Goatse Security fait ses premières armes en ciblant Mozilla. Le collectif découvre une vulnérabilité majeure dans le navigateur Firefox, qu’il exploite pour inonder des serveurs IRC de messages indésirables. Conséquence : des utilisateurs se retrouvent paralysés, incapables de communiquer sur des plateformes submergées de notifications parasites.

Après avoir exposé les failles de Firefox, Goatse Security se tourne rapidement vers Safari, le navigateur d’Apple. Le groupe met au jour une faille majeure qui permet de contourner le blocage de ports spécifiques en manipulant leurs numéros. Apple corrige le problème sur les ordinateurs, mais pas sur les iPad.

Pour le collectif, cette réponse est loin d’être à la hauteur. La faille identifiée rend en effet possible le détournement des iPad à des fins malveillantes, par exemple, l’envoi de spams, la diffusion de logiciels malveillants, ou même des cyberattaques.

Face à ce qui paraît être de la négligence de la part d’Apple, Goatse Security choisit de révéler leur découverte au grand jour, sur un forum accessible à tous.

Un choix radical, applaudi par certains, car il force Apple à réagir, mais décrié par d’autres, parce qu’il rompt avec les normes de discrétion habituelles.

Un collectif protecteur ou profiteur ?

Quelques mois après Mozilla et Apple, c’est au tour d’AT&T, alors fournisseur exclusif du réseau 3G pour l’iPad aux États-Unis, d’être dans le viseur de Goatse Security. Son attention se porte précisément sur un système reliant les identifiants des cartes SIM des iPads aux adresses e-mail des utilisateurs.

Grâce à un programme automatisé nommé iPad 3G Account Slurper, les membres du collectif testent des milliers de combinaisons aléatoires. Résultat : ils parviennent à extraire 114 000 adresses e-mail, dont celles de nombreuses personnalités publiques.

Au lieu d’alerter AT&T, Goatse Security décide une fois de plus de rompre avec les codes de la discrétion. Le collectif choisit de dévoiler l’affaire à Gawker, un média en ligne réputé pour son goût du sensationnalisme. L’information fait immédiatement les gros titres. Mais des zones d’ombre viennent entacher ce qui aurait pu être une nouvelle révélation éclatante.

Les journaux internes de Goatse Security révèlent en effet des échanges troublants, où certains de ses membres évoquent la possibilité de revendre les données collectées à des spammeurs. Ces échanges jettent un doute sur la véritable intention du collectif de hackers. Derrière l’image d’alerteurs, Goatse Security ne serait-il en réalité qu’un groupe mû par la cupidité ?

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Andrew Auernheimer, le visage ambivalent de Goatse Security

Quoi qu’il en soit, cette attaque retentissante contre le géant des télécommunications AT&T propulse Andrew Auernheimer, alias « Weev », sur le devant de la scène. Il devient le visage emblématique de Goatse Security, et en incarne aussi l’ambivalence : prêt à affronter les mastodontes de la technologie et à se poser en défenseurs des citoyens ordinaires, tout en cherchant bien plus qu’une simple reconnaissance de leur part. Son message est sans équivoque : si les géants de la tech ne protègent pas vos données, il s’en chargera.

Cette posture ne laissera pas les autorités américaines indifférentes. En 2011, le FBI intervient et arrête Auernheimer. En 2012, il est condamné à 41 mois de prison. Le motif retenu ? Avoir accédé sans autorisation aux serveurs d’AT&T.

Pourtant, aucun piratage n’a eu lieu : les données étaient publiquement accessibles en utilisant le bon code. L’Electronic Frontier Foundation, organisation dédiée à la défense des droits numériques, critique vivement cette condamnation. Selon elle, il s’agit d’un usage abusif de la loi américaine sur la fraude informatique (CFAA), un texte jugé obsolète et inadapté qui date de 1986.

De son côté, Daniel Spitler, complice d’Auernheimer, reçoit une peine plus clémente. Cette disparité dans les sanctions renforce l’impression d’une justice à deux vitesses et alimente le débat sur le hacking et la légitimité des lois encadrant le numérique.

En 2014, la condamnation d’Andrew Auernheimer est annulée pour vice de procédure. Sa relaxe ne règle pas la question centrale qui anime le débat sur le hacking : La révélation des vulnérabilités numériques doit-elle être considérée comme un service civique ou comme une intrusion criminelle ? Comment tracer une frontière nette entre les deux ?

Pour les défenseurs des libertés numériques, l’affaire Auernheimer est un signal d’alarme. Si révéler une vulnérabilité expose systématiquement à des poursuites pénales, qui voudront prendre encore le risque de dénoncer les défaillances des géants du numérique ?

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Des actions coup de poing en cybersécurité

Avec ses actions spectaculaires, Goatse Security défend une vision radicale : les failles de sécurité doivent être rendues publiques. Cette position se distingue nettement de celle des hackers éthiques, qui privilégient les collaborations directes avec les entreprises pour corriger les vulnérabilités, en toute discrétion.

Pour Goatse, la transparence est une priorité, même si cela signifie secouer les géants de la tech et exposer leurs faiblesses au grand jour.

Lorsque Apple met des mois à corriger une faille critique sur l’iPad, ou qu’AT&T laisse des données sensibles en accès libre, la tentation de médiatiser ces défaillances devient difficile à ignorer. Goatse Security justifie ses actions spectaculaires par l’inaction des entreprises, seules responsables selon lui de mettre en danger leurs utilisateurs.

Les actions coups d’éclat de Goatse Security soulèvent par ailleurs la question de la responsabilité des médias. En relayant la faille avant sa correction, Gawker Media a-t-il outrepassé son rôle ?

L’héritage de Goatse Security

Malgré sa disparition en 2014, Goatse Security laisse une empreinte indélébile dans le paysage de la cybersécurité. Ses révélations ont contraint des géants comme Apple à plus de vigilance.

Cependant, son héritage le plus durable réside probablement dans le domaine juridique : le procès d’Andrew Auernheimer a ravivé le débat sur la réforme des lois contre la cybercriminalité. Il a également mis en lumière les ambiguïtés qui entourent les activités des chercheurs en cybersécurité.

L’Electronic Frontier Foundation insiste pour sa part sur un point, également défendu par le collectif de hackers : les entreprises doivent assumer leurs erreurs plutôt que de criminaliser ceux qui les exposent.

L’histoire de Goatse Security met en lumière une vérité dérangeante : entre la négligence des géants de la tech et le zèle parfois excessif de la justice, les véritables gardiens de nos vies numériques cherchent encore leur place.