Telecomix, un collectif de hackers anonymes, émerge en 2009 pour défendre les libertés numériques. Leur combat s’intensifie lors des révolutions arabes, où ils fournissent des outils pour contourner la censure. Aujourd’hui, ils continuent de lutter contre la surveillance et la répression en ligne.
Telecomix : Aux origines d'un collectif hacktiviste sans frontières
Telecomix naît en 2009 en Suède, en réaction à des lois européennes jugées liberticides. Leur objectif initial ? Défendre les libertés de communication sur le web. Le groupe se forme autour d’activistes issus de milieux variés, comme The Pirate Bay et la Quadrature du Net. Sa première mission : contrer une proposition de loi sur la surveillance du web et la conservation des données numériques.
Le collectif se distingue rapidement par son approche anarchique et horizontale. Pas de chef, pas de hiérarchie. Les décisions se prennent collectivement. Cette structure décentralisée lui permet de réagir en temps réel aux menaces numériques.
Avec plus de 250 membres, Telecomix devient un réseau mondial de hackers et d’activistes. Leur engagement repose sur des principes comme le « datalove », qui promeut la libre circulation des données. Leur logo, un robot nommé Cameron, symbolise leur vision d’une interaction harmonieuse entre humains et machines.
Le premier coup d’éclat de Telecomix intervient en 2011, lors des révolutions arabes. Le groupe se mobilise pour soutenir les manifestants en leur fournissant des technologies pour contourner la censure et rétablir l’accès à Internet.
Révolutions arabes : Quand les hackers de Telecomix deviennent résistants numériques
En Égypte, Telecomix aide les internautes à restaurer leur connexion Internet après que le gouvernement l’ait coupée. Il utilise de vieux modems et des lignes téléphoniques pour rétablir l’accès au réseau.
En Tunisie, le collectif crée des miroirs de sites censurés pour permettre aux internautes de continuer à accéder à l’information. Il fournit aussi des tutoriels pour naviguer anonymement et en toute sécurité sur le web. Une assistance qui permet aux blogueurs de continuer à partager des vidéos et des témoignages malgré la répression.
En Syrie, Telecomix lance l’opération #OpSyria pour aider les internautes à préserver leur anonymat. Ils détournent brièvement tout le trafic Internet syrien vers une page contenant des liens vers des outils de contournement comme Tor.

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Boîte à outils Telecomix : déjouer la censure, sauvegarder l'anonymat
Au fil de ses différentes missions, Telecomix développe une série d’outils innovants pour aider les internautes à contourner la censure. L’un des plus emblématiques est Streisand.me, un service permettant de créer des miroirs de sites censurés. Inspiré par l’effet Streisand – phénomène selon lequel la censure d’une information provoque sa diffusion massive –, cet outil incarne parfaitement la philosophie du collectif : transformer les tentatives de répression en opportunités de partage d’informations.
Fer de lance de la lutte anti-surveillance, Telecomix héberge Seeks : un moteur de recherche P2P open-source conçu pour mettre les données personnelles des utilisateurs à l’abri des regards indiscrets. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, Seeks ne conserve en effet aucune donnée de recherche, ce qui permet d’échapper à la surveillance et au profilage des utilisateurs.
Telecomix déploie également des canaux de discussion sécurisés via des réseaux IRC (Internet Relay Chat). Ces canaux, accessibles uniquement aux membres autorisés, permettent des échanges confidentiels et protégés des intrusions extérieures. Que ce soit pour coordonner des actions, partager des informations sensibles ou simplement discuter en toute liberté, ces réseaux privés incarnent l’engagement du collectif à préserver la sécurité des communications.
Avec son projet Blackthrow, Telecomix repousse les limites de l’anonymat numérique. Ce dispositif miniature, conçu pour être discrètement intégré dans les réseaux informatiques de sites sensibles, agit comme une porte dérobée invisible. Une fois installé, il utilise des réseaux cryptés comme Tor pour établir une connexion sécurisée avec l’extérieur.
Depuis n’importe quel endroit dans le monde, les membres de Telecomix peuvent alors se connecter à distance pour prendre le contrôle des réseaux infiltrés. Ils peuvent exfiltrer des documents confidentiels, collecter des informations stratégiques ou contourner des restrictions, le tout sans éveiller les soupçons de la cible.
Quand la cybersurveillance alimente l’autoritarisme
Le travail d’investigation mené par le collectif Telecomix en Syrie révèle des liens troublants entre des entreprises américaines et le régime de Bachar al-Assad. Le collectif découvre que plusieurs sociétés technologiques basées aux États-Unis fournissent, via des intermédiaires dans des pays tiers, des outils de surveillance de pointe au gouvernement syrien.
Ces équipements de cybersurveillance sont utilisés par les services de renseignement syriens pour espionner les communications des opposants au régime, pirater leurs identifiants et mots de passe, et collecter des données personnelles sensibles. Ces technologies jouent ainsi un rôle central dans l’appareil répressif du régime.
Les révélations de Telecomix, largement relayées par les médias internationaux, provoquent un scandale mondial et suscitent une vive indignation de l’opinion publique. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la complicité, directe ou indirecte, de ces entreprises américaines avec un régime autoritaire accusé de violations massives des droits humains.
L’engagement de Telecomix s’étend toutefois bien au-delà du monde arabe. Le collectif continue de combattre la montée du racisme, de l’antisémitisme et de l’islamophobie en Europe, en utilisant ses compétences technologiques pour soutenir les communautés vulnérables. Ces actions illustrent une conviction forte : la défense des droits humains et de la justice sociale repose aussi sur la protection des espaces numériques.
L’activisme numérique à la portée de tous
Ouvert à toute personne partageant ses valeurs, Telecomix incarne une forme d’activisme numérique atypique. Aucun rite d’initiation, aucun filtre de sélection : il suffit de rejoindre son canal IRC (Internet Relay Chat), un espace de discussion historique hérité des débuts d’Internet, pour s’affilier à ce mouvement.
Au cœur de l’organisation trône un principe fondateur : la do-ocratie (littéralement, le « pouvoir du faire »). Concrètement, chaque participant peut initier un projet s’il identifie un besoin urgent — contourner la censure, protéger l’anonymat en ligne ou documenter des atteintes aux droits numériques. Si une idée trouve des soutiens, elle devient réalité.
L’adhésion à Telecomix exige toutefois une phase d’adaptation. Les nouveaux venus doivent apprivoiser une culture singulière, faite de discussions techniques, de débats éthiques et mais aussi de propositions d’actions immédiates sur le terrain.
Une fois familiarisé avec cette forme protéiforme d’échanges, la nouvelle recrue peut commencer à avancer ses propres projets et/ou contribuer à ceux des autres membres selon ses compétences — code, veille stratégique, communication.
Rejoindre Telecomix, c’est embrasser une vision : celle d’un Internet libre, outil d’émancipation plutôt que de contrôle. Si le collectif ne promet ni gloire ni reconnaissance, il offre un terrain d’action à celles et ceux prêts à défendre les libertés fondamentales à l’ère numérique.